Kourtney Roy - Ils pensent déjà que je suis folle : Exposition de la carte blanche PMU du 30 avril jusqu'au 11 mai 2014...
Il y a dans le regard de Kourtney Roy un humour glacé où l’ordinaire et le grotesque se mêlent à parts égales sans qu’on puisse discerner qui des deux mène la danse. Une danse troublante tant elle nous emporte dans un univers a priori narcissique qui tend pourtant vers l’anonyme.
Née en 1981, d’un père bucheron et d’une mère secrétaire, Kourtney Roy a grandi dans la démesure et la solitude des immensités enneigées du Canada. Des paysages sublimes mais menaçants où, enfant, il est facile de se perdre. Après des études aux Beaux-Arts de Vancouver où elle se rêve peintre, elle découvre la photographie qui « par son potentiel fantastique, suggérait une réalité plus trouble, derrière la façade lisse des apparences. » Touchée par le génie morbide de Joël-Peter Witkin, ses premières séries représentent des animaux sauvages trouvés morts dans la nature ou empaillés par l’homme.
Son apprentissage de la photographie de mode, sur les traces d’un Guy Bourdin et de ses mises en scène obsessionnelles et fantasmagoriques, lui ouvre un champ illimité. Autoportrait, autofiction, Kourtney Roy devient le personnage unique d’un théâtre intérieur et de ses sortilèges. Son corps, artificiellement placé dans un décor naturel, se prêtera à toutes les énigmes, à mille et une vies travesties, falsifiées. « Je est un autre », tous les autres. Laura Palmer déclinée à l’infini.
Crédits © Kourtney Roy, Carte blanche PMU - Kourtney Roy, Ils pensent déjà que je suis folle, 2014
Pour cette immersion dans l’univers du PMU, Kourtney Roy s’est imprégnée des mots de Charles Bukowski et de son obsession des champs de courses. Se détournant du spectacle où se concentre toute l’attention, elle infiltre plutôt les coulisses. Leur décor sans qualité est plus propice à l’improbable. Son corps s’incruste ainsi dans un univers où chaque chose peut être autre chose et n’importe qui quelqu’un d’autre. Où les objets, plantes vertes, accoudoirs, jumelles…. ont pris le pouvoir. Ils dominent la scène, tour à tour menaçants, envahissants, trop brillants ou trop muets.
Crédits © Kourtney Roy, Carte blanche PMU - Kourtney Roy, Ils pensent déjà que je suis folle, 2014
Dans ses photographies, Kourtney Roy semble présente au monde mais absente à elle-même. Le pourquoi de ces postures incongrues, de ces regards vides est ailleurs, hors champs, nous laissant aux prises avec une violence silencieuse et cachée. Car ce corps-objet semble le plus souvent éteint, débranché, englouti, avalé. Impeccablement sculpté, il tend pourtant vers le camouflage, la soustraction, le retranchement, orchestrant scrupuleusement sa propre disparition.
Quand on demande à Kourtney Roy si ces personnages lui ressemblent, elle répond : « ils sont devenus « moi » et moi je suis devenue « eux ». Lire aussi ici
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