lundi 13 février 2012

« Le club » de Leonard Michaels

Sept hommes - certains se connaissant déjà, les autres non - se réunissent un soir pour créer un club. Il ne s’agit pas d’un club professionnel, ni d’un club urbain, sportif ou mondain. Imaginé par un psychothérapeute, ce club est inspiré des groupes féministes des années 1970. Sans s’être fixé de but précis, ces hommes discutent de leur vie, de leur travail mais surtout de leurs rapports aux femmes en général et à leur épouse en particulier. Il est question de perplexité, de besoin, d’amour, et de mariage.

Au fil du roman, qui s’avère être une nuit de discussions, de débats et de confessions, ils discutent, mangent, boivent, fument, se battent mais, toujours, font preuve d’une écoute attentive les uns envers les autres. Leur réunion témoigne à la fois d’un phénomène réel bien que marginal (de tels groupes apparurent dans le sillage du mouvement féministe et Michaels lui-même faisait partie de l’un de ces groupes à Berkeley), et particulièrement emblématique de l’essor de la consultation de psychiatres et psychologues dans les années 80.

Le style impérieux et percutant de Michaels met l’accent sur l’oralité sans négliger les comparaisons et métaphores qui font toute l’originalité de son écriture, et donne vie à chacun de ces hommes, relatant leurs gestes, leurs histoires, leurs paroles. Toutes leurs histoires sont aussi atroces qu’elles semblent véridiques. Le tout raconté avec un humour corrosif faisant de ces personnages des hommes que l’on peut haïr et aimer comme si on les connaissait.



« Il n’y a rien à dire sur une relation qui fonctionne, pas vrai ? Qui voudrait en entendre parler ? Quant au mariage, c’est une nature morte. Comme cette table avec ses assiettes et ses verres. Rien ne bouge. Tu croises un vieil ami, vous échangez une poignée de main, tu lui dis : “Quoi de neuf ?” Il répond : “Je me suis marié le mois dernier.” Ton coeur chavire. Le pauvre. Non seulement il ne lui arrive rien mais, en plus, il ne va pas tarder à être malheureux. Tu dis :”Merveilleux.” Tu crèves déjà d’envie qu’il te lâche. Ce n’est pas que tu ne l’aimes pas, mais c’est atroce de devoir mentir – ou plutôt, de ne pas pouvoir lui dire ce que tu fais. Que tu entretiens plusieurs liaisons, que là tu es en train d’organiser un voyage à Rome, et que tu t’es offert une nouvelle Porsche. Il t’invite à dîner chez lui. Ça te ferait plaisir de venir, de rencontrer sa femme, mais tu ne vois pas trop quand. Tu lui dis que tu appelleras. Il te supplie de ne pas oublier. Tu promets, mais tu n’appelleras jamais. Jamais. Plutôt passer un coup de fil à la morgue que lui téléphoner ». (page 127)

Ce roman est avant tout un portrait saisissant des rapports hommes-femmes, du couple, de l’adultère banalisé, des crises de nerfs dans lequel tout un chacun reconnaîtra des éléments de sa propre vie.

Les hommes ont toujours eu besoin de leurs petits clubs pour se sentir exister, comme cela se faisait vers la fin du 19ème siècle en Angleterre. Seuls les hommes étaient admis et s’y rendaient pour parler de divers sujets, jouer à différents jeux ou même prendre leurs repas. Certains d’entres eux, n’admettaient que l’aristocratie anglaise et dans d’autres, il était même possible d’y passer la nuit.

Des clubs pour échapper au quotidien, à bobonne et aux enfants et avoir l’impression d’être éternellement jeune et si différent. Face aux femmes omniprésentes l’homo occidentalis tente de reprendre en main son petit univers. C’est une de ses tentatives que nous raconte avec art et finesse l’écrivain américain Leonard Michaels.
« Le club », un roman passionnant que j'ai beaucoup aimé...

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