Je viens de terminer ce livre qui a permis à Florence Aubenas de faire la couverture du journal Nouvel Observateur. Ce livre qui raconte la vie des travailleurs précaires en montrant leur quotidien d’angoisse, d’humiliations, d’incertitude permanente, mais aussi de rires, de complicité, de solidarité. Cette expérience nous offre au passage une belle leçon de vie.
Crédit photo Audrey Cerdan RUE89
Pour écrire ce livre, plongée dans la France des précaires, elle a gardé son nom.
Mais elle s'est inventée une autre vie (séparée depuis peu d'un homme qui l'aurait entretenue vingt ans) et une nouvelle apparence (cheveux blondis, lunettes constamment portées). Florence Aubenas, dont le portrait fut affiché dans toutes les grandes villes de l'hexagone en 2005, lorsqu'elle était otage en Irak, n'a pas été reconnue dans la France des invisibles, les médias pèsent peu (et vice-versa...).
L'idée de départ ? La journaliste du "Nouvel Observateur" a expliqué qu'elle avait décidé d'aller voir de près la réalité de la crise : "ni comme sociologue ni comme économiste, mais à hauteur d'hommes".
De février à juillet 2009, munie de son seul baccalauréat, elle s'est installée à Caen, dans une petite chambre meublée. Et elle a cherché du travail, pointant au Pôle emploi.
Première surprise, a-t-elle relevé au journal de 13h, "quand je disais 'je suis prête à tout faire', je me suis entendue dire "comme tout le monde".
Deuxième surprise : la difficulté à trouver, non un inaccessible travail à temps plein, mais juste "des heures" de travail (qui n'atteignent jamais 35 heures).
Troisième surprise : "tout le monde est touché". Dans l'univers des précaires, on trouve des retraités à la pension insuffisante, des jeunes qui sortent de l'école, des mères de famille ...
Comment vit-on avec moins de 700 euros par mois ?
Que trouve-t-on comme travail, quand on est une quadragénaire sans qualification ? Des boulots de femmes de ménage qui vous ravagent le corps ("en un quart d'heure, mes genoux ont doublé de volume, mes bras sont dévorés de fourmis..."). Des petits chefs qui craignent de se faire virer et redoublent d'exigence, allongeant votre temps de travail au-delà de ce qui sera payé. Des horaires infernaux, tôt le matin, tard le soir, souvent week-ends et jours fériés.
"Le quai de Ouistreham" raconte, concrètement, précisément, comment on vit aujourd'hui en France avec moins de 700 euros par mois. Comment des lycéens sont obligés de travailler pour survivre. Comment des jeunes décident à vingt ans de se faire arracher toutes les dents et de porter un dentier, faute de pouvoir payer un dentiste. Et comment la solidarité, chez les démunis, n'est pas un vain mot.
De cette précarité totale, la journaliste rend remarquablement compte dans ce livre émouvant et souvent drôlissime. Au milieu des discours menteurs, Florence Aubenas incarne aujourd'hui une voix pour les sans-voix.
"Le quai de Ouistreham" par Florence Aubenas aux éditions de l'Olivier. Source Ici
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