mardi 13 juillet 2010

Inconnu à cette adresse - Kathrine Kressmann Taylor

Juste après le repas qui clôture notre saison à la chorale de La Villanelle de Dadonville, une amie Michèle m'embrasse pour me souhaiter de bonnes vacances. Elle me tend le livre de Kressmann Taylor et me dit : "Tu l'as lu ? Je te le laisse, c'est dans ceci que je suis en ce moment"...
Lu assez rapidement, ce récit magnifique et très condensé, m'a bouleversé. Nous entrons dans l'intimité du courrier de deux amis l'un juif, l'autre allemand. L'auteur nous fait vivre son histoire avec une singulière intensité basée sur la psychologie des deux personnages. J'ai envie de faire lire ce livre à tous mes amis.


Kressmann Taylor nous livre un roman épistolaire, une grande réussite du genre publié pour la première fois dans sa version intégrale dans Story Magazine en 1938, soit un an avant que n’éclate la seconde guerre mondiale.

Il s’agit de l’histoire de deux amis : Martin Schulse, un Allemand, et Max Eisenstein, un Juif américain. Voilà des années qu’ils sont associés à San Francisco dans une affaire prospère de commerce de tableaux, "La galerie Schulse-Eisenstein", quand Martin, au début des années 30, décide de retourner dans son pays. La correspondance entre les deux amis commence le 12 novembre 1932 et s’achèvera le 3 mars 1934. Au cours de ces quelques mois, les liens d'amitié qui unissaient ces deux êtres vont s'étioler et laisser place à une haine féroce, haine dont va naître une machination implacable.

Extrait
"Cher vieux Max,
Tu as certainement entendu parler de ce qui se passe ici, et je suppose que cela t'intéresse de savoir comment nous vivons les événements de l'intérieur. Franchement, Max, je crois qu'à bon nombre d'égards Hitler est bon pour l'Allemagne, mais je n'en suis pas sûr. Maintenant, c'est lui qui, de fait, est le chef du gouvernement. Je doute que Hindenburg lui-même puisse le déloger du fait qu'on l'a obligé à le placer au pouvoir. L'homme électrise littéralement les foules ; il possède une force que seul peut avoir un grand orateur doublé d'un fanatique. Mais je m'interroge : est-il complètement sain d'esprit ? Ses escouades en chemises brunes sont issues de la populace. Elles pillent, et elles ont commencé à persécuter les juifs. Mais il ne s'agit peut-être là que d'incidents mineurs : la petite écume trouble qui se forme en surface quand bout le chaudron d'un grand mouvement. Car je te le dis, mon ami, c'est à l'émergence d'une force vive que nous assistons dans ce pays. Une force vive. Les gens se sentent stimulés, on s'en rend compte en marchant dans les rues, en entrant dans les magasins. Il se sont débarrassés de leur désespoir comme on enlève un vieux manteau. Ils n'ont plus honte, ils croient de nouveau à l'avenir.[...]"

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