Didier Eribon, dans son livre "Retour à Reims" paru aux éditions Fayard, révèle son "secret" : il est né pauvre. Un formidable coming out social.
"Longtemps, ce ne fut pour moi qu'un nom. Mes parents s'étaient installés dans ce village à une époque où je n'allais plus les voir. De temps à autre, au cours de mes voyages à l'étranger, je leur envoyais une carte pos tale, ultime effort pour maintenir un lien que je souhaitais le plus ténu possible. En écrivant l'adresse, je me demandais à quoi ressemblait l'endroit où ils habitaient. Je ne poussais jamais plus loin la curiosité. Lorsque je lui parlais au télé phone, une fois ou deux par trimestre, souvent moins, ma mère me demandait : "Quand viens- tu nous voir ?" J'éludais, prétextant que j'étais très occupé, et lui promettais de venir bientôt. Mais je n'en avais pas l'intention. J'avais fui ma famille et n'éprouvais aucune envie de la retrouver".
Après la mort de son père, Didier Eribon retrouve son milieu d’origine avec lequel il avait plus ou moins rompu trente ans auparavant. Il décide alors de se plonger dans son passé. S’attachant à retracer l’histoire de sa famille et la vie de ses parents et grands-parents, évoquant le monde ouvrier de son enfance, restituant son parcours d’ascension sociale, il mêle à chaque étape de son récit les éléments d’une réflexion sur les classes, le système scolaire, la fabrication des identités, la sexualité, la politique, les partis, la signification du vote, etc..
Réinscrivant ainsi les trajectoires individuelles dans les déterminismes collectifs, il s‘interroge sur la multiplicité des formes de la domination et donc de la résistance. Un grand livre de sociologie et de théorie critique. (Ci-dessus, le texte qui figure au dos de la couverture de mon livre paru le 30 septembre 2009 chez Fayard.)
Ce récit est bouleversant et confirme que c'est en prenant de l'âge qu'on constate la nécessité de se réconcilier avec cette partie amputée de son être.
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