Depuis le temps que j'en parle, vous avez compris que je suis grand-père de deux charmants petits-enfants, Lilian et Isaac. J'ai observé comment mes enfants surnomment leurs enfants et cela me décide à rééditer un billet de décembre 2009 qui nous éclaire sur le sujet que voici :
Pourquoi choisissons-nous des surnoms pour nos bébés ?
Poupounette, Terminator, Chonchon, Mimidou, Ma puce par exemple...
Nous ne manquons pas d’imagination pour couvrir nos enfants de surnoms aussi affectueux qu’étonnants. Anodins en apparence, ils sont riches d’enseignements sur la manière dont nous aimons nos chérubins. Décryptages.
Les passionnés :
Ma princesse, Mon trésor, Mon bijou, Ma beauté, Ma vie, Mon cœur, Ma fée, Mon ange, Mon roi, Mon champion...
Ces surnoms dithyrambiques sont gratifiants, mais à utiliser avec modération. L’enfant ainsi appelé devient la parure de sa mère. C’est une manière de reprendre possession de son bébé, de le remettre à l’intérieur de son corps, de nier la séparation de l’accouchement. L’utilisation des possessifs "mon", "ma", vient renforcer ce côté fusionnel... Ces surnoms pleins d’adoration sont des marques de possession charmante, mais ils peuvent être perçus comme trop intrusifs. Les petits n’ont pas forcément très envie que leurs parents aient toujours la mainmise sur eux...
Les miroirs grossissants :
Câlinette, Brise-fer, la Tornade, Typhonfon, Mon petit gueulard, Miss casse-pieds, Morfalou, Lutin-malin, la Téteuse, Terminator, Miam-miam-bouffetout, l’Asticot, Ouin-ouin, Mademoiselle crampon, Crapouillotte, Ronchon, la Fouine, Dormeur...
Ces surnoms miroirs reflètent un trait de caractère, une particularité physique de l’enfant qui amuse l’entourage et qui le distingue des autres. Souvent amusants, ces surnoms ne doivent pas se transformer en une “étiquette” qui enferme l’enfant dans un personnage et un rôle définitifs. Un bébé coléreux et râleur peut devenir un enfant sage, calme et facile à vivre ; un appétit d’oiseau peut se muer en un bon coup de fourchette...
Les diminutifs :
Il y a ceux qui raccourcissent les prénoms : Juju ou Jul pour Juliette, Alex pour Alexandre, Didine pour Géraldine, Zaza pour Isabella, Gaby pour Gabriel, Lolo pour Léopoldine, Nounou, Lulu, Malou, Ninette, Mimi, Doudou... Et puis, il y a ceux qui les rallongent : Jeannoton pour Jean, Marinette pour Marie, Paulinella-Bella pour Paule.
D’un point de vue linguistique, les diminutifs très courts, souvent formés en répétant une syllabe, sont des simplifications que les parents emploient avec l’idée que c’est plus facile à prononcer pour l’enfant et qu’il les intégrera plus rapidement qu’un prénom long et compliqué. Ce qui caractérise tous les diminutifs, c’est qu’ils ont toujours une dimension affective très forte. Ils marquent une grande proximité dans la relation, une familiarité qu’on réserve aux plus proches. Bref, c’est de la tendresse en barre !
Les pseudo-méchants :
Mon gnome, Ma petite horreur, Mon mini-monstre, la Naine, le Schtroumpf hurleur, Petite boule puante, le Chauve, Kipud...
Ce type de surnom, pas très sympa en apparence, est une manière très primitive de brocarder son enfant pour faire en sorte qu’il ne soit jamais repoussant ou monstrueux, mais, au contraire, toujours beau et magnifique ! C’est une sorte de conjuration du mauvais sort, comme dans le conte de Peau d’âne : sous la peau de bête affreuse et repoussante se cache, en réalité, une jeune princesse tout à fait sublime !
Crédit photo Baudouin N'G - Lilian et Isaac
Les comestibles :
Mon sucre d’orge, Mon chou, Mon roudoudou, Mon p’tit bout d’zan, Chupa-chups, Mon poulet, Mon canard, Ma crotte en chocolat...
Ces surnoms de sucreries et d’animaux qui se mangent font partie des classiques ! Ils renvoient aux pulsions orales que les mamans éprouvent quand leur bébé est tout nu. Au moment du change et de la toilette, elles couvrent leur tout-petit de baisers et ont l’envie gourmande de croquer ses rondeurs appétissantes, sa peau douce et sucrée. Ces noms affectueux sont pour la mère une façon de dompter les étranges pulsions que suscite en elle le corps de son enfant.
Les insectes :
Ma puce, Ma petite punaise, le Poux, Moustique, la Morpionne, Mireille l’abeille, Mon p’tit frelon...
Ces petits noms d’insectes dont certains piquent et vous sucent le sang sont fréquemment utilisés par les parents. Ces animaux pas très agréables sont des espèces de “petits vampires”. Appeler ainsi son enfant permet d’exprimer l’ambivalence qu’on éprouve à son égard, et de dire avec humour son inquiétude d’être dévoré par ses exigences qui paraissent sans fin !
Les originaux :
Fripouille ratatouille (pour la rime poétique), le Blorpst (en référence à un film de science fiction), Seigneur de la couche (à cause d’un papa fan du Seigneur des anneaux), Ma tronche (parce que la petite fille ressemble énormément à sa maman), Spocky (parce qu’il a les petites oreilles pointues du héros de Star Trek), Ma coune (en référence au mot espagnol cuna, qui signifie “berceau”), la Walkyrie (par amour de Wagner)...
Certains surnoms très originaux sont liés à une histoire ou à une passion des parents. Ils cristallisent les mouvements fantasmatiques du papa et/ou de la maman qui veulent donner quelque chose de très personnel à leur bébé. Ça fait sens pour eux, mais ils sont les seuls à détenir les clés de ce langage codé et souvent, l’enfant se demande pourquoi il a hérité d’un tel surnom dont il ne comprend pas le sens.
Les petits animaux :
Poussin, Chaton, Poulette, Cocotte, Lapinou, Caille, Biquet, Mimi pintadeau, Loupiote...
Fragiles, innocents, purs, tendres, ils font partie de l’imaginaire enfantin et reflètent la douceur du monde que les parents voudraient pour leurs enfants, bien à l’abri de la noirceur de la réalité. Les tout-petits apprécient ces marques de tendresse et d’amour, mais, plus ils grandissent et plus ils revendiquent d’être appelés par leur prénom. Etre le “poussin chéri” de sa maman, c’est super quand on a 2 ans, mais à 6 ans, quand on entre au CP et devant les copains, ça craint !
De Catherine Marchi avec Laurent Danon-Boileau, professeur de linguistique à Paris V, psychanalyste et auteur avec Mireille Brigaudot de “La naissance du langage dans les deux premières années” (éd. Puf). Lire ici.
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